Au XVIIe siècle vivait à Tiflis un grand poète arménien nommé Haroutioun et plus tard appelé Sayat Nova. Il était l'égal des Princes géorgiens. Sa vie austère et sa mort courageuse restèrent pour la mémoire collective Couleur de Grenade.
Evocation en une série de plusieurs tableaux.
Il est des films qui, dans le cœur des cinéphiles, sont des légendes. Des films inclassables, inracontables, des œuvres qui vous font l’effet d’un coup de poing dont on ne parvient pas à se remettre. Des films que la volonté des censeurs (ou les aléas de la distribution) rendent invisibles. Sayat Nova est de ceux-là. Intitulé Sayat Nova d’après le nom d’un grand poète arménien du XVIIIe siècle, il ne fut accessible que sous le nom de Couleur de la grenade1. Dire la somptuosité plastique des images et leur raffinement est peu de chose, le film tient de l’art de la marqueterie et de la science ancienne et sophistiquée des tapis persans ou des icônes orthodoxes. Ailleurs, il capte la minéralité de la pierre (référence permanente et tellurique dans de multiples expressions artistiques et sacrées en Arménie) ou développe la profondeur de champ de l’architecture géorgienne. Les univers picturaux, mis bout à bout ou installés en contrepoints, inscrivent le poète dans ces mondes où il vécut, dans les cultures traversées. L’inventivité de Paradjanov ne cesse de surprendre, elle nous entraîne de scènes allégoriques en peintures surréalistes. Et l’on songe à certaines œuvres de Magritte... Ailleurs, le film joue en permanence sur les oppositions des rites et des rythmes de l’homme et de la femme, de la vie et de la mort... Sur leur inéluctable complémentarité. La grenade, symbole de l’Arménie, peut dans le film symboliser ici la vie et là la mort.
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